Plus d’une centaine de participants sont venus de tous les
coins du département, Grasse, Nice, Vence, Levens, Le Paillon, La Vésubie …
pour se retrouver et participer à la conférence débat organisée sur le
thème : de quel système de santé avons-nous besoin aujourd’hui ?
Sujet au premier rang des préoccupations des français et un enjeu de premier
plan pour les prochaines présidentielle et législatives.
Un accueil chaleureux des communistes du bassin cannois avec
Dominique Henrot et Pierre Bernasconi qui affirmaient d’entrée : la
question du service public est vitale.
Antony Goncalves, oncologue au Centre Paoli Calmette à
Marseille rappelait qu’au lendemain de l’après-guerre, en 1945, deux actes
forts ont marqué la volonté de prendre en charge deux pathologies
particulières non prises en charge par la création des centres pour les
maladies psychiatriques et les centres anti cancéreux (à l’intérieur desquels n’existent
pas les dépassements d’honoraires).
Pour lui, la santé n’est pas que l’affaire des soignants, c’est
un bien commun qui appartient à tout le monde et tout le monde doit s’occuper
des stratégies de santé.
La pandémie a pointé les zones de faiblesse de notre système
de soins au premier rang desquelles l’accès aux soins primaires avec des
déserts médicaux qui ne cessent de s’étendre des zones rurales aux quartiers
des agglomérations. L’une des raisons, en plus de numerus clausus des études
médicales, en est l’absence de régulation d’installation des médecins. Est
posée aussi la question de la démocratisation des études et de l’activité
médicale. La réponse serait de mettre en œuvre en urgence un plan de formation
en ouvrant largement les portes des facultés de médecine aux jeunes
notamment des milieux défavorisés.
Les dépassements d’honoraires se sont généralisés et pèsent
sur le reste à charge des patients. 10 % de la population a été amené à un
dépassement d’honoraires de plus de 2 000 euros par an et ce système
existe dans les murs mêmes de l’hôpital public.
Aujourd’hui tout le monde est conscient de la crise qui
secoue l’hôpital public. Cela n’a pas été toujours vrai. Après la guerre, les
pouvoirs publics on y a ont massivement investi : les CHU
créés alors ont quadrillé le territoire. Mais depuis 1980, l’hôpital a été
confronté à la limitation des budgets, à la tarification à l’activité qui
conduit à sélectionner les maladies les plus « rentables », à la
réduction de la durée moyenne de séjour en prenant le virage de l’ambulatoire. Renvoyer
les malades à la maison lorsque l’environnement de soins n’est pas au niveau
n’est pas la solution. Le fil conducteur est de réduire la dépense
publique sans oublier que la santé est un potentiel marché économique
gigantesque qui suscite les appétits.
Aujourd’hui qui pourrait affirmer qu’embaucher 100 000
soignants n’est pas une nécessité ! Il faut relancer une grande politique
de maillage médical pour les soins primaires avec des médecins salariés qui feront
de la prévention sans dépassements d’honoraires Pour cela mettre en place une
logique de pré-recrutement en assurant les études aux soignants assortie d’un
engagement de servir en contrepartie.
Autre priorité : notre souveraineté en matière de
médicaments. On est
confronté à des ruptures et à des pathologies pour lesquelles les médicaments
ne sont pas disponibles ! On dénombrait 50 cas de rupture de stocks fin
2000 on en est à 3000 aujourd’hui !
Des difficultés d’approvisionnement en principes actifs
fabriqués dans des pays à bas coût : 80 % sont fabriqués hors Europe et on
atteint des prix de traitements pharamineux : pour les leucémies, le prix
du traitement vendu par Novartis atteint 400 000 € !
Le vaccin contre le covid a été en fait financé par l’Etat
allemand et l’Union européenne. Ces recherches publiques ont permis la
mise au point du vaccin de Pfizer qui a acheté le brevet et a mis à disposition
uniquement ses chaînes de fabrication. La plupart des innovations médicales
sont issues des travaux de la recherche de l’Université et des Instituts ensuite
captés par une logique marchande à l’origine d’un prix du médicament totalement
disproportionné.
C’est pourquoi la création d’un pôle public du médicament qui
prenne en charge toute la chaîne de fabrication, produisant à grande échelle
est réaliste, sur le plan national et européen.
Les médecins ont des tas d’idées et de propositions mais
elles sont contraintes par les exigences financières qui apparaissent
prioritaires.
Les vaccins sont efficaces et devraient être la propriété de
tous les citoyens partout dans le monde : la sécurité sanitaire en dépend.
Régis Kalfan, oncologue à l’hôpital de Cannes estime que notre système de
soins public est majoritairement accessible, performant et perfectible. La
plupart des hôpitaux ont été construits dans les années 50 et ont besoin d’être
rénovés et modernisés. L’hôpital de Cannes est délabré et le personnel
travaille dans des conditions extrêmement difficiles. La crise du personnel
n’est pas uniquement liée aux salaires mais aussi aux conditions managériales.
Les hôpitaux sont soumis à des impératifs budgétaires qui aboutissent à réduire
les effectifs, réduire les formations. Et la disparité s’accroît entre public
et privé. Pendant l’épidémie Covid, les « hôpitaux » privés ont peu réduit
leur activité médicale car ils doivent faire de l’argent. On se retrouve ainsi
dans une logique de concurrence entre établissement de santé et entre
professionnels de santé.
La logique de tarification à l’activité s’oppose totalement à
une situation de crise. Les difficultés du service public de santé conduisent certains(à droite
notamment ) à affirmer que notre modèle de santé serait arrivé à bout de
souffle. Qu’il faudrait inventer un nouveau modèle : la privatisation, les
partenariats publics – privés …
La grande majorité du personnel hospitalier est coincé entre
le marteau et l’enclume et lorsque cette logique devient insupportable, on voit
les personnels médicaux partir travailler ailleurs ou changer de métier.
Aujourd’hui à l’hôpital, l’orientation est : développer les
activités ambulatoires moins coûteuses, renforcer les prestations annexes aux
soins comme la télé, l’hôtellerie, automatiser certains processus comme
s’enregistrer sur des bornes automatiques et tout cela fait disparaitre la
valeur d’une activité qui est avant tout humaine.
On confie des missions de médecins à des infirmiers, des
missions d’infirmiers à des aides-soignants. On instaure la journée de 12
h car elle permet d’économiser 1/3 de personnel. Le personnel travaille
moins de jours mais s’épuise.
On se retrouve à imposer des conditions sanitaires
épouvantables aux malades. A imposer des heures supplémentaires au personnel
qui peuvent atteindre un volume de 100, 200 voire 300 hs par agent.
Les conséquences de cette politique c’est la réduction
d’accès aux soins, obtenir un rendez-vous peut prendre 4 à 5 mois, alors que
les gens reviennent à l’hôpital faute d’argent pour se faire soigner par une
médecine de ville souvent insuffisante et aux dépassements d’honoraires
fréquents. On est dans une logique inversée où la finance contraint le soignant
et contraint le patient. Au fond du fond, c’est la perte de sens du travail.
Aujourd’hui, l’offre de soins doit être maillée, il faut
aller vers des maisons de santé et un service public médical de proximité. Les
enseignants acceptent les nominations de postes ailleurs, les services de santé
doivent aussi le faire. Les études médicales qui sont financées par l’Etat
doivent nécessiter un service rendu en échange pendant un certain temps. Dans
notre pays, toute la population n’est pas couverte et c’est celle qui a le plus
besoin d’accès aux soins pour diverses raisons qui doit pouvoir y accéder.
Pour Philippe Pellegrini, infirmier au CHU de Nice, syndicaliste, un des gros
problèmes c’est l’attractivité des carrières et les conditions salariales. Un
psychologue avec bac + 5 débute à 1400 euros et a les patients les plus
difficiles. Quant à la semaine de 12 h, elle permet aussi sur les jours libérés
à aller gratter quelques sous ailleurs …
Pour lui, on ne peut pas penser la question du service public
de santé seul, il faut le penser avec les autres services publics. S’il n’y a
plus d’école, de poste, de transports qui va aller soigner dans des territoires
abandonnés ?
Le pôle public du médicament est urgent car il y a nombre de
principes actifs qui sont aujourd’hui fabriqués par une ou deux usines dans le
monde. On est donc totalement à la merci de la moindre mésaventure. Les pays
riches ont de gros problèmes d’approvisionnement et sont sous la coupe des
multinationales comme Sanofi. C’est un choix ! Les industries
pharmaceutiques cubaine, chinoise … parviennent à produire des vaccins, la
France non !
Le paludisme est la première cause de décès au monde chez les
enfants et même les adultes mais la main invisible du marché fait des dégâts parce
que la recherche comme les traitements ne sont pas « rentables ».
Cependant l’argent existe, le mouvement de la paix ici
présent le dénonce : l’argent pour l’armement doit servir à la paix, à la
santé.
Le débat qui a suivi a permis de creuser la piste des
centres de santé qui répondent à la fois à la volonté des jeunes soignants de
travailler autrement et permettent l’accès aux soins.
La très grande précarité des agents de santé a été mise en
avant, confirmée par le fait qu’au CHU de Nice il y a eu jusqu’à 30 % de
personnel contractuel.
Les réformes successives de l’hôpital ont abouti à casser la
démocratie et à faire du soin un acte technique. Alors qu’il ne se réduit pas à
cela. Faire de la santé notre bien public commun, donner la priorité à
l’humain, aux patients et à leurs familles doit être un axe fort de la campagne
électorale.
Ensemble, il nous faut alerter sur les dégradations, dénoncer
les carences, exprimer les besoins, et les moyens pour la santé, la médecine
scolaire et la médecine du travail.
A la question : oui on peut égrainer ce qui ne va pas,
mais comment on s’en sort ?
Après le tour de France de la santé par les députés
communistes, le 2 décembre, S. Jumel, député communiste déposera une
proposition de loi pour rendre le droit à la santé comme l’est le droit au
logement UN DROIT OPPOSABLE. Cela nécessite des mesures contraignantes, des
conventionnements sélectifs.
On peut être optimistes : les français ont applaudi les
personnels de santé, ils sont conscients de la catastrophe annoncée. Il y a
donc des possibilités, il nous faut élargir cette prise de conscience et en
faire un enjeu des législatives, à travers un pacte. La priorité des moyens à
donner à la santé et à l’hôpital est à porter par l’ensemble de la population.
Eliane GUIGO